La protection du patrimoine immobilier privé de l'entrepreneur individuel

Fiches

Le 09/02/2009

La loi de modernisation de l'économie (LME) du 4 août 2008 permet à tout entrepreneur individuel de protéger l'ensemble de son patrimoine immobilier privé face à ses créanciers professionnels et non plus uniquement sa résidence principale...

La Loi de modernisation de l’économie (LME) du 4 août 2008 a pour objectif de « réduire la prise de risque de l’entrepreneur individuel pour lequel aucune distinction n’est établie entre le patrimoine professionnel et le patrimoine privé ».
La mesure a pour but d’isoler certains biens du droit de gage général des créanciers professionnels.

Le dispositif mis en place en 2003 par la loi pour l’initiative économique du 1er août 2003 était limité à la déclaration d’insaisissabilité de la résidence principale de l’entrepreneur. En effet, dans sa version initiale, le texte disposait : « Par dérogation aux articles 2092 et 2093 du code civil, une personne physique immatriculée à un registre de publicité légale à caractère professionnel ou exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante peut déclarer insaisissables ses droits sur l'immeuble où est fixée sa résidence principale ».
Dès lors, seule la résidence principale de l’entrepreneur pouvait être soustraite aux poursuites des créanciers professionnels, étant entendu que celle-ci devait être sa propriété et non celle d’une SCI dont il serait associé.
Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 1er août 2003, environ dix mille chefs d’entreprise ont déclaré leur résidence insaisissable.

Le nouveau régime de la déclaration d’insaisissabilité mis en place par la LME procède à un élargissement du dispositif initial.
La loi nouvelle tend vers la protection de l’ensemble du patrimoine immobilier privé de l’entrepreneur et non plus seulement de sa résidence principale (I).
Dans le même temps, le nouveau dispositif se veut soucieux de préserver le droit de gage des créanciers professionnels, par le biais des renonciations à l’insaisissabilité (II).



I- L’extension du domaine de la déclaration d’insaisissabilité à l’ensemble du patrimoine immobilier privé de l’entrepreneur



L’article L. 526-1 du Code de commerce dispose désormais : « Par dérogation aux articles 2284 et 2285 du code civil, une personne physique immatriculée à un registre de publicité légale à caractère professionnel ou exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante peut déclarer insaisissables ses droits sur l'immeuble où est fixée sa résidence principale ainsi que sur tout bien foncier bâti ou non bâti qu'elle n'a pas affecté à son usage professionnel ».
Désormais, c’est donc l’ensemble du patrimoine immobilier domestique du chef d’entreprise qui pourra être déclaré insaisissable.
Le défaut d’affectation à l’usage professionnel fait appel à l’intention du chef d’entreprise de soustraire tel ou tel bien à l’exercice de son activité professionnelle.

Ainsi, le chef d’entreprise est libre de choisir les biens qui ne rentreront pas dans l’assiette de son actif professionnel. Seule compte l’intention de l’entrepreneur de ne pas affecter un bien à l’exercice de son activité professionnelle. D’où l’importance de rédiger avec soin la déclaration d’insaisissabilité.

Malgré la cohabitation des termes de « résidence principale » et de « tout bien foncier bâti ou non bâti » (la seconde formule incluant a fortiori la première), il n’est pas nécessaire que la déclaration porte en premier lieu sur la résidence principale.
Le déclarant pourra opter pour une déclaration commune regroupant plusieurs biens immobiliers ou pour une pluralité de déclarations successives. Il est néanmoins impératif que le déclarant individualise l’ensemble de ses biens immobiliers à peine de nullité. Le déclarant ne pourrait se limiter d’une formule générale.

La déclaration d’insaisissabilité ne devient opposable qu’une fois les mesures de publicité effectuées. L’immeuble qui est objet de la déclaration ne sera pas saisissable par les créanciers professionnels dont la créance est née postérieurement à la publicité de la déclaration. De même, en cas d’acquisition d’un nouvel immeuble, celui-ci ne pourra être déclaré insaisissable qu’une fois les formalités de publicité accomplies, ce qui signifie que la déclaration d’insaisissabilité de l’immeuble n’affectera pas la situation des créanciers professionnels antérieurs à son acquisition.

Par ailleurs, la LME généralise la faculté de remploi prévue à l’article L. 526-3 du Code de commerce. Cette faculté de remploi permettait au chef d’entreprise, quand il acquérait une nouvelle résidence principale, le report de la déclaration d’insaisissabilité à la nouvelle résidence principale, par une sorte de rétroactivité de la déclaration formulée dans l’acte d’acquisition.
Dès lors, par exception, l’acquisition d’une nouvelle résidence principale échappait au droit de gage des créanciers professionnels antérieurs.
Pour tenir compte de l’extension de la déclaration d’insaisissabilité à l’ensemble du patrimoine immobilier de l’entrepreneur, l’article L. 526-3 du Code de commerce dispose dans sa nouvelle rédaction : « En cas de cession des droits immobiliers désignés dans la déclaration initiale, le prix obtenu demeure insaisissable à l'égard des créanciers dont les droits sont nés postérieurement à la publication de cette déclaration à l'occasion de l'activité professionnelle du déclarant, sous la condition du remploi dans le délai d'un an des sommes à l'acquisition par le déclarant d'un immeuble où est fixée sa résidence principale ».
Le législateur a certes modifié les dispositions liminaires de l’article L. 526-3 du Code de commerce pour l’adapter à l’extension de la déclaration d’insaisissabilité à l’ensemble des biens immobiliers privés de l’entrepreneur figurant au nouvel article L. 526-1. Toutefois, la faculté de remploi reste limitée à l’acquisition d’une nouvelle résidence principale.


Reste que si l’extension de l’insaisissabilité à l’ensemble des biens immobiliers privés de l’entrepreneur se veut protectrice du patrimoine de ce dernier, elle n’en risque pas moins de diminuer sa capacité de crédit.
L’observation relève du bon sens. De l’aveu même du ministre à l’origine du dispositif, « on ne peut pas disposer d'un patrimoine complètement protégé et bénéficier d'un accès facile au crédit bancaire ».
C’est ainsi que la loi pour l’initiative économique avait prévu la possibilité pour le déclarant de renoncer à l’insaisissabilité. La LME vient ici compléter et préciser le régime des renonciations à l’insaisissabilité figurant à l’article L. 526-3 du Code de commerce.


II- Des précisions sur le régime des renonciations à l’insaisissabilité



Aux termes de l’alinéa 4 de l’article L. 526-3 du Code de commerce, « La déclaration peut, à tout moment, faire l'objet d'une renonciation soumise aux mêmes conditions de validité et d'opposabilité. La renonciation peut porter sur tout ou partie des biens ; elle peut être faite au bénéfice d'un ou plusieurs créanciers mentionnés à l'article L. 526-1 désignés par l'acte authentique de renonciation. Lorsque le bénéficiaire de cette renonciation cède sa créance, le cessionnaire peut se prévaloir de celle-ci ».



L’entrepreneur peut désormais renoncer à l’insaisissabilité de « tout ou partie de ses biens ». Cette mesure est logique dès lors que la déclaration d’insaisissabilité peut désormais jouer sur l’ensemble de son patrimoine immobilier domestique.

L’article L. 526-3 du Code de commerce indique que la renonciation peut être faite au profit d’un ou plusieurs créanciers. Autrement dit, la loi permet au chef d’entreprise d’organiser une véritable hiérarchisation entre créanciers professionnels.

Enfin, également par faveur aux créanciers professionnels, l’article L. 526-3 du Code de commerce précise que si le bénéficiaire de cette renonciation cède sa créance, le cessionnaire pourra se prévaloir de la renonciation. La renonciation à l’insaisissabilité est donc considérée comme un accessoire de la créance.

La réforme ainsi opérée de la déclaration d’insaisissabilité nous semble relativement équilibrée.
Elle réalise une balance entre les intérêts du chef d’entreprise (protection du patrimoine privé, mais également besoin de crédit) et ceux des créanciers professionnels. L’élargissement du domaine de la déclaration d’insaisissabilité à l’ensemble du patrimoine immobilier du déclarant contrebalance ainsi avec la possibilité pour ce dernier de renoncer à cette déclaration au profit d’un ou plusieurs créanciers professionnels
.
Mots clés : Patrimoine immobilier, Professionnels, Droit immobilier