I- Définition du trouble anormal de voisinage – Suis-je en présence d'un inconvénient anormal de voisinage ?
Le principe est « que nul ne doit causer à autrui un trouble
anormal de voisinage ».
Quand une personne, dans l'exercice de ses activités licites et normales, cause à son voisin ou à son environnement un dommage qui excède la mesure des inconvénients normaux de voisinage, elle engage sa responsabilité envers les victimes du trouble.
Seul le trouble anormal de voisinage est sanctionné (ex : odeurs nauséabondes, fumées d'usine insupportables, bruits excessifs et intolérables…).
En effet, les obligations de la vie sociale nécessitent de supporter les inconvénients dits normaux de voisinage.
L'auteur du trouble anormal peut être :
- le propriétaire
- le locataire
- ou encore un entrepreneur qui effectue des travaux pour le compte du propriétaire
La victime du trouble anormal est tout voisin, que ce dernier soit propriétaire ou locataire.
Le voisinage ne s'entend pas de la seule contiguïté mais de tout voisin relativement proche. Le principe est la proximité géographique entre l'auteur du trouble et la victime.
II- Mise en œuvre de l'action en responsabilité pour inconvénients anormaux de voisinage- Comment agir juridiquement contre un trouble anormal de voisinage ?
L'action s'exerce devant le tribunal de grande instance du lieu de situation de l'immeuble.
1) Les conditions de l'action
La mise en œuvre de l'action en responsabilité pour inconvénients anormaux de voisinage suppose la réunion de trois conditions :
- L'existence d'un trouble de voisinage (le trouble est le fait générateur).
Aucune faute n'est exigée.
- La présence d'un préjudice anormal.
Seul un trouble anormal de voisinage est sanctionné. Les juges apprécient souverainement le caractère anormal du préjudice. Le dommage doit excéder la mesure habituelle (ex : le bruit doit être excessif). L'appréciation du caractère anormal du trouble est effectuée au cas par cas et la mesure habituelle du dommage varie dans le temps (ex : s'il s'agit de bruits nocturnes, le seuil définissant un trouble anormal est plus faible que pour des bruits diurnes) et dans l'espace selon la nature du quartier (selon que le quartier est réservé à l'habitat, à l'industrie ou encore qu'il s'agit d'une zone portuaire). Le caractère excessif du préjudice doit s'apprécier en fonction des circonstances du cas et notamment de la permanence du trouble. En effet, le trouble de voisinage doit être installé de façon relativement continue et durable (même s'il n'a pas à être permanent).
- L'existence d'un lien de causalité entre le fait générateur (le trouble de voisinage) et le dommage anormal subi par la victime.
L'action en responsabilité pour inconvénients anormaux de voisinage ne doit pas être confondue avec l'abus du droit de propriété. L'abus du droit de propriété suppose que le propriétaire use de son bien dans le but exclusif de nuire à son voisin. Le critère de l'abus du droit de propriété est l'intention de nuire.
2) La sanction de l'action
Le principe de sanction en cas de trouble anormal de voisinage est la réparation intégrale. Ainsi la victime perçoit :
- des indemnités (dommages et intérêts) pour le dommage passé
- mais également la cessation du trouble actuel sous astreinte (le juge dispose d'un pouvoir d'injonction ex : le juge ordonne la cessation de travaux causant un bruit excessif, des poussières anormales…).
Toutefois, le juge civil ne pourra pas ordonner la fermeture d'un établissement bénéficiant d'une autorisation administrative. Une telle fermeture relève de la compétence du juge administratif.
Un trouble anormal de voisinage ne sera pas sanctionné :
- si le juge considère que l'activité génératrice du bruit est d'utilité sociale (ex : un hôpital….)
- ou encore si les nuisances sont dues à des activités agricoles, industrielles ou artisanales s'exerçant antérieurement et en conformité avec la loi et les règlements (art L. 112-16 du Code de la construction et de l'habitation).
Les personnes qui construisent, acquièrent ou louent à proximité d'un lieu où s'exercent déjà des activités agricoles, artisanales, industrielles ou commerciales dommageables pour le voisinage n'ont pas droit à réparation pour les dommages causés par les nuisances occasionnées par ces activités.
Dans cette hypothèse, le droit à réparation est cependant rétabli en cas d'aggravation ultérieure du trouble.