Du juge d'instruction au juge de l'instruction

Actualités juridiques

Le 14/01/2009

Le 7 janvier 2009, le Président Nicolas Sarkozy a énoncé devant la Cour de Cassation sa proposition de réforme du juge d‘instruction. Le juge d'instruction n'existera plus et cédera sa place au juge de l'instruction. Il ne s'agit pas d'un changem

Ce 7 janvier 2009, le Président Nicolas Sarkozy a énoncé devant la Cour de Cassation sa proposition de réforme du juge d‘instruction.
Il a annoncé la suppression du « juge d'instruction » et son remplacement par le « juge de l'instruction ». Il ne s'agit pas d'un simple jeu de langage mais bien d'une petite révolution judiciaire ayant entraîné de vives réactions du monde judiciaire et des politiques.

Pour mieux appréhender les contours de cette réforme, il convient de revenir sur le rôle du juge d'instruction.

Le juge d'instruction est la juridiction d'instruction du premier degré, il intervient donc antérieurement à la phase de jugement de l'affaire. L'instruction permet d'établir l'existence ou non d'une infraction et de déterminer si les charges relevées nécessitent de saisir une juridiction de jugement. L'instruction est obligatoire en matière criminelle et est facultative concernant les délits.
Le juge d'instruction est un magistrat du siège désigné dans cette fonction pour trois années renouvelables. Il est chargé d'enquêter sur les faits dont il est saisi par le Procureur de la République et surtout d'instruire à charge et à décharge. Il a pour mission de réunir les preuves et de décider d'une saisine éventuelle de la juridiction de jugement. A ce titre, il se doit d'être impartial et de ne privilégier ni la thèse de l'accusation, ni celle de la défense.
Les ordonnances rendues par le juge d'instruction peuvent faire l'objet d'un recours devant la chambre de l'instruction, juridiction de l'instruction du second degré en matière criminelle composée de trois conseillers et étant une section de la Cour d'Appel.
Le juge d'instruction ne décide en aucun cas de la détention. Les placements en détention provisoire (comme la prolongation de cette détention provisoire) sont de la compétence du juge des libertés et de la détention (le JLD). Le juge des libertés et de la détention est également un magistrat du siège désigné par le Président du Tribunal de Grande Instance.


Concrètement, le juge d'instruction n'intervient en réalité qu'au pénal et ce pour 5% uniquement des affaires. Les procureurs se chargent déjà de près de 95% des enquêtes.
Toutefois, si ces affaires sont largement minoritaires, ce sont les 5% d'affaires les plus complexes et les plus graves. Le juge d'instruction mène sur ces dossiers les plus importants une enquête entièrement indépendante du parquet et donc du pouvoir politique.


Le juge d'instruction, en tant qu'institution, a rencontré de grands succès notamment au regard d'affaires touchant en plein cœur le pouvoir politique mais a également connu de graves dysfonctionnements et déconfitures médiatiques retentissantes (tout le monde se souvient des affaires dites Vuillemin ou d'Outreau). Depuis ces déboires médiatico-judiciaires, la réforme du juge d'instruction était attendue et même réclamée par certains…


Le juge d'instruction sera donc remplacé par le juge de l'instruction.
Selon la formule du président Nicolas Sarkozy, « il est temps que le juge d'instruction cède sa place à un juge de l'instruction qui contrôlera le déroulement des enquêtes mais ne les dirigera plus ».
Le Parquet sera en charge des enquêtes et le juge de l'instruction n'aura plus qu'un simple rôle d'arbitre.
La principale et véritable difficulté de ce dispositif concerne l'indépendance. Le parquet n'étant pas indépendant du pouvoir politique, la question de l'autonomie des poursuites se pose.
Madame Eva Joly, ancienne magistrate et juge d'instruction célère (affaire Elf), s'est émue de cette situation au cours de son interview sur Europe 1 « pour moi, c'est une régression, c'est revenir au Second Empire, aux procureurs généraux ». Selon elle, cette réforme est « un verrou pour empêcher les enquêtes qui gênent le pouvoir ».
De même d'après le juge financier Renaud Van-Ruymbeke, « la suppression du juge d'instruction sonne le glas des affaires politico-financières » (interview du Journal du Dimanche).


Ainsi les avocats et les magistrats exigent que soit organisée et garantie l'indépendance du parquet et que les droits de la défense soient renforcés.
Au regard du principe de séparation des pouvoirs, ces professionnels du droit réclament que les conditions assurant l'autonomie du parquet soient précisées, détaillées et mises en application.
En outre, les avocats militent pour ne plus être exclus des enquêtes policières et des investigations du parquet. Ils insistent sur la nécessité d'un « contre-pouvoir ». Ils revendiquent la possibilité d'accéder aux dossiers des prévenus dès le début de l'enquête, dès la première heure de garde à vue.


Il importe de préciser que le juge d'instruction était une spécificité française au regard des autres pays européens qui ne connaissent pas cette institution.
En outre, le nouveau juge de l'instruction aura un rôle d'arbitre entre l'accusation et la défense. Il aura notamment pour responsabilité de contrôler certains actes du parquet durant l'instruction, comme les mesures d'emprisonnement. Cette mission se rapproche de celle des juges des libertés et de la détention. Les contours de leurs compétences devront être définis.
Mots clés : Professionnels, Particuliers, Droit pénal