Dans un arrêt en date du 4 février 2009, la Cour d'appel de Versailles vient de confirmer le jugement rendu le 18 septembre 2008 par le Tribunal de grande instance de Nanterre, aux termes duquel la société Bouygues Télécom a été condamnée à démonter une installation d'émissions-réceptions (« antenne-relais »), implantée à proximité d'habitations.
Rappel des faits et jugement du Tribunal de grande instance de Nanterre
Suite à l'implantation d'une antenne-relais sur le territoire de la commune de Tassin La Demi-Lune (dans le département du Rhône), la société Bouygues Télécom a été assignée à comparaître devant le Tribunal de Grande instance de Nanterre par trois couples résidant à proximité de ladite antenne-relais. Les demandeurs sollicitaient, en effet, l'enlèvement de l'antenne-relais et le paiement par la société Bouygues Télécom de dommages et intérêts pour trouble anormal de voisinage et dépréciation de leur maison.
Par un jugement en date du 18 septembre 2008, le Tribunal de grande instance de Nanterre a fait droit, en partie, aux demandes ainsi formulées et a condamné la société Bouygues Télécom à :
- enlever l'antenne-relais, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à l'issue d'une période de quatre mois commençant à courir le lendemain de la signification de la décision ;
- payer la somme de 3.000 euros à chacun des trois couples à titre de dommages et intérêts pour leur risque sanitaire.
Les juges de première instance ont justifié une telle condamnation en invoquant le principe de précaution.
Précisément, « si la discussion scientifique reste ouverte, la société Bouygues Télécom ne démontre dans le cas d'espèce, ni l'absence de risque, ni le respect d'un quelconque principe de précaution puisque, à l'exception de deux décisions administratives insuffisantes pour ce faire, aucune des pièces produites ne concerne spécifiquement l'installation en cause ».
Les juges en ont donc déduit que « exposer son voisin contre son gré à un risque certain et non pas hypothétique comme prétendu en défense, constitue un trouble du voisinage, dont le caractère tient au fait qu'il porte sur la santé humaine » et que « écarter le risque dans le cas présent ne peut s'obtenir que par l'enlèvement des installations ».
Estimant qu'aucune étude scientifique n'établissait l'existence d'un risque sanitaire pour les populations vivant à proximité des antennes-relais, la société Bouygues Télécom a interjeté appel de cette décision.
Arrêt de la Cour d'appel de Versailles
Par un arrêt en date du 4 février 2009, la Cour d'appel de Versailles a confirmé le jugement rendu le 18 septembre 2008 par le Tribunal de grande instance de Nanterre, sauf en ce qui concerne le montant des dommages et intérêts et le montant de l'astreinte. La société Bouygues Télécom a, en effet, été condamnée à verser la somme de 7.000 euros à chacun des trois couples à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi (soit 4.000 euros de plus qu'en première instance). Quant au montant de l'astreinte, celui-ci a été porté à 500 euros par jour de retard (soit 400 euros de plus qu'en première instance).
Pour justifier leur décision, les juges d'appel ont notamment considéré que « si la réalisation du risque reste hypothétique, il ressort de la lecture des contributions et publications scientifiques produites aux débats et des positions législatives divergentes entre les pays, que l'incertitude sur l'innocuité d'une exposition aux ondes émises par les antennes-relais, demeure et qu'elle peut être qualifiée de sérieuse et raisonnable ».
Les juges en ont ainsi déduit que « les intimés, qui ne peuvent se voir garantir une absence de risque sanitaire généré par l'antenne-relais implantée (…) à proximité immédiate de leur domicile familial, justifient être dans une crainte légitime constitutive d'un trouble ; que le caractère anormal de ce trouble causé s'infère de ce que le risque étant d'ordre sanitaire, la concrétisation de ce risque emporterait atteinte à la personne des intimés et à celle de leurs enfants ».
Il en résulte en conséquence « que le cessation du préjudice moral résultant de l'angoisse créée et subie par les intimés du fait de l'installation sur la propriété voisine de cette antenne-relais, impose (…) d'ordonner son démantèlement ».
Portée de la décision
La condamnation de la société Bouygues Télécom à l'enlèvement d'une antenne-relais en application du principe de précaution est « une première » en France. En effet, aucun opérateur de téléphonie mobile n'avait, à ce jour, été condamné à une telle peine.
Si cette condamnation permet incontestablement de prendre enfin en considération la crainte exprimée par certaines personnes quant au risque sanitaire résultant de l'exposition aux ondes électromagnétiques, il n'en demeure pas moins que toutes les antennes-relais ne seront pas démontées à l'avenir.
Sur ce point, il importe de souligner que la rédaction de l'arrêt rendu le 4 février 2009 par la Cour d'appel de Versailles laisse penser que des solutions alternatives à l'enlèvement des antennes-relais pourraient être envisagées. L'arrêt indique, en effet, que « la cessation du préjudice moral résultant de l'angoisse créée et subie par les intimés du fait de l'installation sur la propriété voisine de cette antenne-relais, impose, en absence d'une quelconque proposition de la société Bouygues Télécom, d'ordonner son démantèlement ».
Par ailleurs, la société Bouygues Télécom dispose de la faculté de former un pourvoi en cassation. Il est fort probable que cette société saisisse la Cour de cassation afin de faire casser l'arrêt de la Cour d'appel et d'éviter, éventuellement, l'enlèvement de l'antenne-relais.
Affaire à suivre …
Source :
CA Versailles, 4 février 2009 (08/08775)