Le 17/07/2009
Cass, Civ. 1e, 14 mai 2009, n° 08-12966
Attendu que Mme X..., avocate, qui avait conclu avec la Selafa cabinet Jacques Y..., successivement un contrat de collaboration libérale à durée déterminée pour la période du 19 mars au 29 juin 2001, prolongée jusqu'au 26 juillet 2001, puis un contrat de collaboration libérale à durée indéterminée, homologué, après régularisation, par le conseil de l'Ordre, a saisi le bâtonnier d'une demande de requalification en contrat de travail de son contrat de collaboration libérale auquel la Selafa avait mis fin en octobre 2005 ; que l'arrêt attaqué (Lyon, 21 janvier 2008), infirmant la sentence arbitrale, a accueilli la demande, dit que la rupture du contrat de travail s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et a condamné la Selafa cabinet Jacques Y... à payer diverses sommes à Mme X... ;
Sur le premier moyen, tel qu'il figure au mémoire en demande et est annexé au présent arrêt :
Attendu qu'il ne ressort pas de la procédure que la Selafa cabinet Jacques Y... avait revendiqué, devant la cour d'appel, le principe de la publicité des débats avant leur clôture ; que le moyen est irrecevable ;
Et sur le second moyen, pris en ses trois branches :
Attendu que la Selafa cabinet Jacques Y... fait grief à l'arrêt de statuer comme il le fait, alors, selon le moyen :
1° / que l'avocat collaborateur salarié ne peut pas avoir de clientèle personnelle ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que Mme X... avait pu traiter cinq dossiers personnels pendant la durée de sa collaboration au sein du cabinet Jacques Y... ; qu'en requalifiant pourtant cette collaboration libérale en collaboration salariée, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard des articles 7 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, 18 de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005, 129 et suivants du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 et 14. 1 à 14. 3 du Règlement intérieur national de la profession d'avocat ;
2° / que dès lors qu'il a développé une clientèle personnelle, un avocat ne peut pas être considéré comme un avocat collaborateur salarié ; qu'en statuant dès lors par des motifs inopérants relatifs aux horaires du collaborateur, aux moyens mis à sa disposition, au mode de traitement des dossiers du cabinet ou encore au mode de rémunération de ce collaborateur, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, privant ainsi sa décision de base légale au regard des articles 7 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, 18 de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005, 129 et suivants du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 et 14. 1 à 14. 3 du Règlement intérieur national de la profession d'avocat ;
3° / qu'en tout état de cause, un avocat collaborateur libéral peut parfaitement percevoir une rémunération forfaitaire versée par la SCP d'avocats au sein de laquelle il exerce son activité ; qu'en se fondant sur l'existence d'une rémunération fixe de Mme X... pour conclure à l'existence d'une collaboration salariée, la cour d'appel a violé les articles 7 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, 18 de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005, 129 et suivants du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 et 14. 1 à 14. 3 du Règlement intérieur national de la profession d'avocat ;
Mais attendu que, si, en principe, la clientèle personnelle est exclusive du salariat, le traitement d'un nombre dérisoire de dossiers propres à l'avocat lié à un cabinet par un contrat de collaboration ne fait pas obstacle à la qualification de ce contrat en contrat de travail lorsqu'il est établi que cette situation n'est pas de son fait mais que les conditions d'exercice de son activité ne lui ont pas permis de développer effectivement une clientèle personnelle ; qu'ayant relevé que Mme X... n'avait pu traiter que cinq dossiers personnels en cinq ans de collaboration avec le cabinet Jacques Y..., que la plupart des rendez-vous et appels téléphoniques, nécessaires au traitement de ces rares dossiers personnels, se passaient hors du cabinet et après vingt heures ou pendant le week-end, que Mme X... partageait son bureau avec un autre avocat et pouvait difficilement trouver un lieu pour recevoir ses propres clients, la salle de réunion ne permettant l'accès ni à l'outil informatique ni au téléphone, et que les témoignages recueillis faisaient état de l'attitude générale du cabinet tendant à dissuader les collaborateurs à développer une clientèle personnelle, et que Mme X... était privée de l'indépendance technique propre au collaborateur libéral, la cour d'appel, qui en a souverainement déduit que les conditions réelles d'exercice de l'activité de Mme X... ne lui avaient effectivement pas permis de se consacrer à sa clientèle et que le cabinet Y... avait manifestement omis de mettre à sa disposition les moyens matériels et humains lui permettant de développer sa clientèle personnelle, a, dès lors, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision de requalifier le contrat de collaboration libérale conclu entre les parties en contrat de travail ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne le cabinet Jacques Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande du cabinet Jacques Y... ; le condamne à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze mai deux mille neuf.